Les Cahiers duRAMSNuméro 15 - juillet 2007 | ||
LE DECLASSEMENT DE PLUTON, A MOYEN TERME UN ENJEU MAJEUR POUR L’ASTROLOGIE ?
Par Serge BRET-MOREL IntroductionPour l’astrologue, la question de l’ingérence est aujourd’hui au cœur du problème des conséquences du déclassement de Pluton : si les astronomes et les sceptiques ne peuvent décider pour lui si un astre entre ou non dans le cadre de ses interprétations astrologiques, il est clair que ce sont eux qui le poussent à se positionner sur le sujet. La pression vient de l’extérieur, et ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais si l’astrophysique peut déclasser Pluton sans que cela ne change rien pour ses fondements et ses lois il en est tout autrement pour l’astrologie.
En effet, Pluton s’est installé très confortablement dans les interprétations de l’astrologie contemporaine. En amont du critère de validité, son symbolisme astrologique lié entre autres aux notions de mort, d’inconnu, ou de remise en question, est très fécond (on l’imagine !) dans le cadre de la consultation astrologique trop souvent axée (mais pas limitée non plus à) la question du lendemain. Mais que signifierait, en termes astrologiques, « déchoir Pluton de son statut de planète » ? L’astrologie n’a pas besoin de ce statut pour ses interprétations. En effet, les positions de la Lune et du Soleil sont depuis toujours interprétées comme celles des planètes, et des astéroïdes ont déjà leur place chez certains astrologues, même le centaure Chiron est en train d’acquérir un statut. Déchoir Pluton de son statut de planète n’impliquerait donc pas nécessairement de le rejeter de l’astrologie. Autrement dit, changer son appellation, son statut, ne change rien à ses paramètres techniques utilisés quotidiennement par les astrologues. Les positions de Pluton restent interprétables par l’astrologie, on ne peut lui enlever son statut d’astre errant.
C’est pourtant là le contenu implicite de la critique : si Pluton perd son statut de planète, alors les astrologues ont dit n’importe quoi depuis sa découvert dans les années 30. Cette inférence n’est donc pas valide. Toutefois, le problème va se poser à l’astrologie, mais indirectement. En effet, tout comme pour l’astronomie la question de Pluton est finalement secondaire : le statut des planétoïdes qui ont mené à l’éviction de Pluton décidera en fait du sort de la nouvelle planète naine, et non l’inverse. Conserver Pluton
Conserver Pluton serait donc obliger l’astrologie à intégrer les nouveaux planétoïdes découverts depuis le début du 21ème siècle, certains d’entre eux au moins, et Eris en premier lieu. En effet, pourquoi conserver Pluton et ne pas intégrer des corps de caractéristiques voisines ? Par exemple Orcus, d’un diamètre compris entre 900 et 1900 km orbite autour du Soleil en 248 ans, exactement comme Pluton, et sur une orbite inclinée de 21° (17 pour Pluton).
Ce serait aussi mettre au grand jour l’importance de la subjectivité du praticien, dénoncée par les sceptiques mais contestée souvent par les astrologues. En effet, ces nouveaux corps généreraient en permanence des dizaines de nouvelles configurations signifiantes. L’astrologue, noyé au milieu d’une telle complexité dans sa recherche de synthèse, ne pourrait plus cacher qu’il est obligé (déjà aujourd’hui, mais bien plus alors) de trier parmi le surnombre des facteurs et des techniques qu’il a déjà à sa disposition.
Une autre voie se présente à l’astrologie, celle menant à conserver Pluton sans intégrer les nouveaux planétoïdes. Une voie qui reviendrait à démarquer un peu plus encore l’astrologie de l’astronomie. Rejeter Pluton
Mais si le monde astrologique admettait qu’intégrer les nouveaux planétoïdes reviendrait pour des raisons techniques à risquer d’étouffer le système astrologique, tomber dans plus de divination, ou perdre une dimension métaphysique primordiale pour le croyant, il lui faudrait conclure aussi que rejeter les planétoïdes
implique de rejeter Pluton avec eux… car les paramètres physiques tels que distance, taille et masse étant habituellement rejetés comme critères de choix, selon quels critères conserverait-on un corps de la ceinture de Kuiper et pas les autres ??? D’autant que le hasard faisant bien les choses, les paramètres des plus gros nouveaux planétoïdes sont assez voisins (respectivement 248, 285, 285, et 308 ans de périodes de révolution pour Orcus, Santa, Quaoar et Easter Bunny, tous faisant près des deux tiers du diamètre de Pluton). 2002TC302, Eris, et Sedna ont des périodes de révolution déjà bien supérieures (408, 557 et donc 11.400 ans). Ce problème est nouveau pour l’astrologie : comment justifier du rejet d’astres dont les caractéristiques physiques et cinématiques sont si proches d’un astre traditionnel ? En général, la décision se fait sur « les observations » des astrologues, avec tous les problèmes que posent l’approche empirique de telles conceptions.
Mais s’il semble sain de rejeter Pluton avec tous les planétoïdes de la ceinture de Kuiper, cela reviendrait à conclure que ses paramètres particuliers ont pu induire en erreur les interprètes astrologues. Rejeter Pluton serait donc peut-être plus terrible encore pour l’astrologie ! On rejoint là, après le détour par la question de l’intégration ou non de l’ensemble des corps de la région de Kuiper, le contenu implicite de la critique sceptique. Mais pour l’astrologie, rejeter Pluton ce ne serait pas le faire passer du statut de planète à celui de planète naine, mais du statut d’astre signifiant à celui d’astre non signifiant. Ce pourquoi serait remises en question toutes les interprétations astrologiques qu’on lui aurait finalement associées par erreur, donc la pertinence de l’interprétation astrologique en général. Mais au-delà de la pertinence des procédures d’interprétation, ce serait aussi (et surtout) toutes les procédures d’établissement du symbolisme astrologique qui seraient remises en cause.
Ce serait enfin, remettre définitivement en question la crédibilité même de l’astrologue, puisqu’il aurait pu,
si Pluton est rejeté répons-le, porter des jugements autant et sans limite sans se rendre compte une seconde ni des données erronées qui ont permis l’élaboration de son symbolisme astrologique, ni de la valeur même des interprétations qui ont découlé de ces bases erronées. Preuve serait faite s’il en est encore besoin, que par le biais de « l’observation » et de l’interprétation astrologique le monde de l’astrologie n’est pas toujours capable de juger de la fausseté de certaines données de base qui, une fois transposées sur le plan symbolique par le biais de l’analogie, ont perdu tout lien avec la réalité tout en conservant une certaine opérativité. Conclusion
Autour de la question du rejet ou non de Pluton les enjeux et conséquences possibles du débat pour l’astronomie et l’astrologie sont bien disproportionnées, et se posent très différemment. Pas question par exemple, de poser la question de Cérès ou de Sedna sur le même plan que Pluton, et encore moins pour les exoplanètes comme on le verra plus tard dans ce dossier. Le déclassement de Pluton en planète naine ne compte donc pas directement pour l’astrologie, à moins de conférer un statut sacré (et bien naïf) à l’autorité scientifique. C’est le nombre de corps plutoniens appelés à être introduits ou non dans le système astrologique qui annonce des problèmes théoriques à venir bien plus profonds. L’astrologie en effet, semble être prise entre deux feux.
Serge BRET-MOREL, juin-juillet 2007 |
Mise à jour de la page : 27 juillet 2007